Le 28 juin 1914, l’archiduc d’Autriche, François Ferdinand, et son épouse sont assassinés par un terroriste serbe, fait grave qui déclenche la guerre.
Le 4 août, les cloches de l’église de Sailly sonnent le tocsin. Les habitants se réunissent sur la place et le maire proclame la mobilisation de tous les hommes. C’est la désolation, l’affolement…
C’est le début d’une guerre meurtrière qui fera un million et demi de morts.
La Belgique décide de rester neutre. Envahie, elle ne peut se défendre. Arrivant par Tournai, les Allemands occupent notre village pendant quatre ans. Le seul « avantage » que peut avoir notre commune, c’est de ne pas être bombardée: dans le Nord, il n’y a pas ou peu de combats, donc de démolitions alors que le Pas-de-Calais, l’Aisne et la Marne sont de terribles champs de bataille. De dizaine de villes, il ne reste pierre sur pierre, ce qui n’est pas cas de Sailly : les seuls dégâts constatés pendant le conflit sont causés par les allemands qui, lors de leur fuite, minent le carrefour de la Paix (ndr. angle du CD 90 et de la rue de la Mairie) pour retarder l’arrivée des troupes de libération. La maison située à l’angle de la rue de Lannoy est détruite ; elle sera reconstruite au titre des dommages de guerre.
Il faut composer avec l’occupant. Suivant que les régiments sont formés de Prussiens – les Uhlans – ou de Bavarois, c’est difficile, exigeant, cruel même, ou plus humain.
On s’empresse de cacher tout ce qu’on a de plus précieux car l’occupant vole tout ce qui l’intéresse. Les habitants sont groupés dans deux ou trois pièces de la maison et les soldats s’installent partout. Le couvre-feu est décrété : défense de sortir après 19 heures et l’hiver, dès qu’il fait nuit. Pour circuler d’un village à l’autre, il faut posséder un laissez-passer. Toutes les récoltes sont confisquées par l’armée allemande et le maire doit négocier pour qu’une partie soit quand même réservée à la population.
Les hommes qui ne sont pas mobilisés sont réquisitionnés. Dans les archives de la mairie de Sailly, on trouve des listes de ces hommes : des ouvriers aux tranchées, 4 au curage des fossés, 33 au foin, 5 au soin des vaches, 32 à la batteuse, 17 aux betteraves, 10 pour le chargement, 16 aux navets et aux pommes de terre, 3 au nettoyage des chevaux de l’armée, 1 au jardin et même 1 à l’élevage de lapins…
Chaque habitant détient un carte d’alimentation avec des tickets pour le pain, la viande, le lait, la farine, le beurre, l’habillement. Impossible de tricher, tout est rationné.
De Roubaix nous arrive tout un ravitaillement contrôlé par le comité hollandais. Sur les bons de livraisons encore en mairie, il est relevé : œufs, lait, farine, pommes de terre, oignons, beurre, confitures, citrons, moutons et même des cigares. On peut à peine se chauffer et faire la cuisine car l’occupant confisque le charbon et coupe les arbres quand il juge en avoir besoin.
Les archives de Meurchin conservent encore les bons de réquisition de l’autorité allemande : chevaux, vaches, cochons, récoles, arbres – jusqu’aux 46 ormes qui longent l’avenue qui mène à la ferme…
La brasserie est totalement démontée et vidée de ses cuivres.
En 1917, les Allemands s’emparent des cloches de l’église et prennent également celle qui, à Meurchin, rythme les heures de travail et de repas dans cette exploitation qui emploie parfois 100 travailleurs.
Le monument aux morts est lui-même victime du conflit … La statue qui représente un soldat debout, tenant un drapeau serré contre lui, est déposée en 1917 par les autorités allemandes occupantes qui en font des obus. Ils la remplacent par un pot que les Saillysiens ne laisseront jamais vide, la remplissant régulièrement de fleurs !! Il faudra attendre le 14 août 1921 pour que soit inaugurée la statue telle que l’on peut encore l’admirer aujourd’hui.
Proches de la frontière, deux femmes du Nord, entrées en résistance, deviennent célèbres. Si proches de Sailly, il nous faut citer Léonie Vanhoutte, infirmière roubaisienne qui, au péril de sa vie, fait passer des dizaines de fugitifs en Angleterre. Arrêtée à Froyennes en 1915, elle est condamnée à 15 ans de travaux forcés mais réussit à s’évader. Nous citerons aussi sa collaboration avec Louise de Bettignies, elle aussi infirmière, originaire de St Amand. Agent de liaison, grâce à ses renseignements, toutes les batteries allemandes ceinturant Lille sont détruites. Arrêtée également à Froyennes, elle est condamnée à mort le 2 mars 1916. Elle meurt à Cologne en 1918 ; la Nation lui rendra hommage en 1920 lors de funérailles nationales à Lille.
Sailly souffre donc durant quatre ans, certes autrement que dans les départements où l’on se bat vraiment, où toute vie normale est impossible, autrement que les populations évacuées mais elle souffre matériellement et pleure de nombreux morts.
Notre village compte 876 habitants en 1914. Durant le conflit, 102 saillysiens sont mobilisés. Trente militaires sacrifient leur vie : Arthur Brunin, Etienne Catoire, Auguste Clermont, Charles Dal, Casimir Dassonville, Fernand Dassonville, Albert Debergue, Emile Delacroix, Jules Delacroix, Prosper Delacroix, Paul Delannoy, Raymond Joseph Delmet, Arthur Deschamps, Jules Dumont, Lucien Goube, Charles Houfflin, Alphonse Lefebvre, Charles Daniel Lefebvre, Fernand Lefebvre, Emile Lelièvre, Agathon Lepève, Emile Leplat, Alfred Locquinier, Ferdinand Robin, Alfred Ryckwaert, Albert Spriet, Louis Thieffry, Emile Vochelle, Henri Vancoppenolle et Charles Wuillaume.
Trois victimes civiles sont également à déplorer : Charles Boucaut, Henri Delacroix tenancier du débit de tabac rue de Lannoy, fusillé à Sailly en septembre 1914, et Désiré Meurisse.
Soixante neuf militaires survivent. Nombre de ces rescapés de la Grande Guerre sont victimes de séquelles suite à des blessures ; deux sont amputés d’une jambe mais presque tous ces survivants reviennent « gazés », ce qui les fera atrocement souffrir tout le reste de leur vie.
La liste des militaires et personnes civiles décédés durant le conflit est gravée sur le monument aux morts et sur la plaque du souvenir en façade de l’église.
L’Armistice est signé à Rethondes le 11 novembre 1918. Les gens du Nord poussent un immense soupir de soulagement.
Durant ces quatre années, la population a été décimée par le froid, la malnutrition, la tuberculose, les réquisitions, les pillages, les arrestations et les déportations. Il y a aussi une baisse vertigineuse de la natalité.
Grâce à l’aide importante de l’Etat – qu’on appelle « dommages de guerre » – la reconstruction matérielle et économique se fait en cinq ou six ans. C’est un énorme travail. Les progrès agricoles sont considérables et les trois piliers de l’industrie – houille, métallurgie, textile – se développent, se renforcent.
Pourtant à Sailly, on compte 23 chômeurs et 13 familles en difficulté en 1921 ; 80 personnes sont assistées en 1922, 89 en 1926 sur un total de 863 habitants…
Le 29 octobre 1937, la rue d’Hem devient la rue des Trois Frères Lefebvre en hommage à Alphonse, Charles Daniel et Fernand Lefebvre, militaires d’une même fratrie, tombés pour la France. Avant leur départ pour le conflit, les trois frères habitaient cette rue.