1785 L’agriculture est en grand progrès. Ici, dans la châtellenie de Lille, Charles Leclerc de Montlinot écrit que « c’est la plus belle pièce de terre de toute l’Europe ». La supériorité de la technique agricole flamande éclate : variété des assolements, élevage à l’étable d’un bétail bien nourri et qui fournit un fumier abondant, « le dieu de l’agriculture ». Le poids d’un bœuf ou d’un mouton double. On dit que ce sont les Anglais qui ont fait de grands progrès en élevage et inventé le système pour recueillir l’urine des animaux dans les étables et l’épandre ensuite dans les champs avec le fumier.
Tous les travaux sont faits à la main, on sème à la volée, « le geste auguste du semeur ». En fin de siècle est inventé le semoir, mais il ne sera opérationnel que vers 1850. La moisson aussi est manuelle : les seuls outils sont la faucille et la faux. Un homme met dix jours pour couper un hectare en travaillant dix heures par jour. Les femmes et les enfants sont nombreux à participer aux travaux. Le lin est, lui aussi, arraché à la main, travail dur et pénible ; on le met à rouir dans la rivière.
1800 Début 1800, Sailly recense 890 habitants. La moitié de la population est occupée à travailler la terre. Dans les fermes importantes, on bat les céréales grâce à la force de la vapeur. A part les fermes de Neuville et de Meurchin qui comptent environ 50 hectares, les exploitations varient entre 2 et 21 hectares. Elles sont tenues le plus souvent par des fermiers locataires. Avec un cheval, quelques vaches et veaux, des porcs, de la volaille, la cour est le domaine de la femme. La vie est difficile dans les petites fermes. On s’en sort grâce à la vente de porcelets, de pommes de terre, à la fabrication du beurre, la vente du lait et du lait battu. Le labourage est effectué avec une charrue tractée par un bœuf ou un cheval ; il permet d’ouvrir le sol à une certaine profondeur et le retourner avant de semer ou planter.
Dans son Histoire du Nord, Pierrard nous fait la description d’un ménage d’ouvriers agricoles : « Le père, la mère et plusieurs enfants vivent dans une chaumière parfois encore en torchis, de 5 mètres sur 4 : deux petites pièces et une cuisine, trois lits, six chaises, un bahut, une table et une horloge, un poêle et un peu de vaisselle. On puise l’eau au puits, au seau ou à la pompe. Le père travaille chez un fermier qui, pour l’entretenir toute l’année, l’emploie à tous les travaux. Mais parfois, le brave homme n’est que journalier, donc non payé l’hiver quand on ne peut l’occuper. L’été, la femme travaille au champ ». Beaucoup marchent encore en sabots. Selon leurs compétences, ils sont garçons de labour, charretiers, vachers, garçons de cour, bergers. Ces derniers sont considérés comme privilégiés parce qu’indépendants. Le berger a droit à deux ou trois moutons sur les cent de son troupeau. Il garde les peaux de ceux qui sont morts entre la Chandeleur et la St Jean. A Meurchin, il y a deux cents moutons ; c’est un beau troupeau mené dans les champs et le long des routes, sans danger car, à l’époque, il n’y a pas de voitures….
1914 Les moissons sont faites au piquet, entièrement à la main. Les piqueteux, tôt levés, bien avant le soleil, se reposent pendant les heures chaudes et retournent, le soir, à leur labeur harassant. Les javelles sont liées par deux, mises en monts (ou noyettes), et rentrées en grange en septembre. L’hiver, quand il gèle, le blé est battu au fléau puis vanné. Il prend alors la direction du moulin : nos aïeux mangent alors du vrai bon pain…
Le battage est une opération consistant à séparer de l’épi ou de la tige les graines de céréales. Un bon batteur au fléau bat 50 à 80 gerbes par jour. Ce travail pénible dure des mois et un vannage est nécessaire pour trier le grain de la menue paille.
1918 L’apparition de la moissonneuse-lieuse révolutionne la méthode ancestrale. Tractée par des chevaux, elle soulage d’une façon inouïe les paysans. Les gerbes, mises en noyettes, sont engrangées puis battues ultérieurement par des batteuses, actionnées au début par des « locomobiles » (sorte de machine à vapeur fonctionnant au charbon), puis par des tracteurs.
Avec la vapeur, la batteuse mécanique parvient à battre 100 à 250 gerbes en une heure, tout en effectuant le vannage. L’ensemble du travail est fait en 3 ou 4 jours et la récolte est prête à être vendue. La locomobile est chauffée au charbon et pour éviter qu’une étincelle ne mette le feu à la paille, elle est reliée à la batteuse par une longue courroie. Pour permettre l’usage de ces machines, onéreuses et peu utilisées dans l’année, à tous les cultivateurs, des entreprises de battage se créent qui se déplacent de ferme en ferme avec leur matériel et leur personnel.
1950 Le labourage évolue : la charrue est dorénavant tractée par un tracteur. Avec l’arrivée de la moissonneuse-batteuse, la mécanisation rend le travail des moissons moins fatiguant. Elle est conduite par un seul homme, dont le travail est extrêmement complexe : il dirige sa machine, contrôle la hauteur de coupe, veille à ce que la paille ne bourra pas sur le tablier de coupe, agit sur le volant à griffes qui ramène la céréale sur les vis « sans fin » pour l’envoyer dans les batteurs et contre-batteurs, s’assure également que le grain est propre, sans balle (courte paille) et garde sans cesse l’œil, la souplesse et l’habileté de manœuvre de sa machine. Il arrive que le blé moissonné le matin soit livré à la meunerie en cours de journée, transformé en farine, et rendu aussitôt au boulanger qui le pétrit dans la nuit. De sorte que le blé, encore sur pied 24 heures plus tôt, est devenu pain ou pâtisserie dans ce court laps de temps. On n’arrête pas le progrès….
Découvrez maintenant le labour, la moisson et le battage tels qu’accomplis « dans le temps »…
Lexique :
– Charles Leclercq (ou le Clercq) de Montlinot (1732-1801) : docteur en théologie, «observateur des misères sociales », journaliste dans des diverses publications lilloises (L’abeille flamande, Annonces, affiches et avis divers pour les Pays-Bas français, l’Emile, Annonces hebdomadaires de la province), il participe à la fondation d’un société littéraire appelée « Le Brunin » qui rassemble des négociants formant l’élément socio-culturel le plus dynamique de Lille. Elle a pour but d’instruire autrui de ce qu’elle connaît et de « recueillir des matières pour l’historien du pays, s’appliquer à tout ce qui peut faire fleurir le commerce et l’agriculture de la province ».
– rouir : faire tremper le lin dans l’eau pour en séparer les fibres utiles.
– javelles : blé coupé en un coup de faux et qui demeure couché dans le sillon jusqu’à ce qu’on en fasse des gerbes.
– noyettes : autre nom des gerbes.