Roger Villers – L’église de Sailly, témoignage d’un ancien Saillysien

Elle est jolie notre petite Eglise. Quand on y pénètre, tout incite au recueillement et à la prière. Dans la pénombre quiète et douce, on y rencontre Dieu.

C’est là que mon épouse et moi-même nous nous sommes mariés, le 20 février 1950. C’est là que nos six enfants ont été baptisés, que quatre d’entr’eux se sont mariés, que mon épouse et ses trois sœurs ont été baptisées, ont fait leur profession de foi, se sont mariées.

Que de fois les cloches ont sonné, pour annoncer aux paroissiens les événements heureux ou tristes qui rythment la vie quotidienne des habitants.

Elle révèle de bien jolies choses, pour qui sait observer attentivement tout ce qu’elle contient.

Avez-vous jeté les yeux sur la chaire de vérité, par exemple ? Le sculpteur qui en a façonné tous les détails était un véritable artiste. Combien d’heures a-t-il consacrées pour effectuer ce véritable chef-d’œuvre !

Les quatorze toiles du chemin de croix sont également l’œuvre d’un artiste, sans doute inconnu, mais qui a mis tout son talent pour peindre ces superbes tableaux.

Bien peu d’églises possèdent un chemin de croix d’une telle valeur !

Pourtant, notre petite Eglise a souffert des vicissitudes et des cataclysmes qui se sont abattu sur nos régions pendant la guerre 1939-1945.

Notamment l’invasion de l’armée allemande en mai 1940. Dans les derniers jours de ce mois, l’artillerie allemande se déchaîna sur le centre du village. Un grand nombre d’obus tombèrent autour de l’Eglise, dont pâtirent les vitraux. Par bonheur, elle fut préservée de l’incendie qui la menaçait.

A la libération, début septembre 1944, l’explosion des munitions entreposées par l’Occupant dans le château de la Marquise à Hem, détruisit ce qui restait des vitraux. La guerre terminée, en 1945, l’Abbé Achille Scherpereel, curé de la paroisse, se mit en branle pour entreprendre la réfection des vitraux.

Il se tourna vers les représentants de l’Etat, propriétaire de l’Eglise, en l’occurrence le Conseil Municipal de Sailly, dont le Maire, en 1945, était Mr Etienne Leuridan.

Ce dernier, arguant les maigres ressources de la Commune, se refusa absolument à prendre en charge aucune dépense pour la réfection des vitraux.

Pourtant, l’Etat, propriétaire des biens du Clergé, qu’il avait volés en 1904, par la loi de la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, se devait d’entretenir ses biens.

Le Conseil Municipal de Sailly en 1945 faillit à son devoir en refusant toute participation aux travaux de réfection.

Il faut dire qu’entre 1945 et 1947, la Mairie était gouvernée par une municipalité tendance de gauche, non élue, mise ne place par le Préfet après la Libération.

L’Abbé Scherpereel n’a pas eu de chance; s’il avait entrepris les travaux deux ans plus tard, en 1947, il aurait eu affaire à une municipalité de droite, qui aurait participé aux travaux. Ce n’était que justice.

Je connais des municipalités de gauche, même communistes, qui mettent un point d’honneur à entretenir leurs Eglises et les lieux de culte de leur ville ou de leur village sans rechigner.

Passons sur ce sujet qui déborde sur la politique, et revenons à l’histoire de l’Eglise de Sailly.

L’Abbé Scherpereel se tourna donc vers ses Paroissiens, qui répondirent de grand cœur et généreusement aux sollicitations de leur Pasteur.

Le coût de la réparation d’un vitrail s’élevait, en 1945, à 15.000 frs de l’époque. Somme importante mais qui peut paraître aujourd’hui modeste ; il ne faut pas oublier le passage de la monnaie française au franc lourd, en 1960. En élément de comparaison, le salaire moyen d’un ouvrier, en 1945, était de 10 frs l’heure. Le coût d’un vitrail, en 1945, représentait 1500 heures de travail.

Plusieurs familles répondirent à l’appel de leur Pasteur. Huit vitraux étaient à refaire. Les initiales des donateurs, en bas des vitraux, ne sont sans doute pas connues par tous les Saillysiens, 56 ans après.

En voici le détail :

A droite après le chœur, premier vitrail : L.P. – J.V. :

  • L.P. : Mr et Mme Adrien Lepers-Potier, rue de Willems. Mr Adrien Lepers fut maire de la commune de 1947 à 1952.
  • J.V. : Mr et Mme Paul Joveneaux-Vanneste, cultivateur près de l’Eglise. Mr Joveneaux fut maire de Sailly de 1952 à 1965.

2ème vitrail, à droite : M.R. – R.D. :

  • M.R. : Mr et Mme Raoul Messien-Ruscart, cultivateurs, rue Verte.
  • R.D. : Mr et Mme Henri Rusaart-Desrumeaux, cultivateurs à la ferme de Neuville.

3ème vitrail, à droite : B.R. – D.G. :

  • B.R. : Mr et Mme Achille Bernard-Renaux, rue de la Mairie. Mr A. Bernard fonda, avec ses frères, la Teinturerie Bernard frères, à Willems Robigeux.
  • D.G. : Mr et Mme Louis Deledalle-Ghestem, cultivateurs, ferme de la Motte.

4ème vitrail, à droite : D.T.

  • D.T. : Mr et Mme Jean Delannoy-Terrain, cultivateurs, rue de Toufflers.

Les 4 vitraux, côté gauche, partant du chœur : le premier : A.S. :

  • A.S. : Achille Scherpereel, curé de la paroisse.

2ème vitrail, à gauche : Denis et Louis Delmarre, cultivateur, rue verte.

3ème vitrail, à gauche : C.D. – W.B. :

  • C.D. : Mr et Mme Jules Cardon-Droulers, cultivateurs rue de la Mairie.
  • W.B. : Mr et Mme Julien Willocq-Bonte, cultivateurs rue du bas chemin.

Enfin, dernier vitrail à gauche, « les Paroissiens reconnaissants », fruit d’une quête dans la Paroisse.

De tous ces généreux donateurs, une seule personne est encore en vie ; tous les autres sont décédés. Il s’agit de Mme Louis Deledalle-Ghestem, demeurant à Marcq en Baroeul, dont le fils Michel exploite le chenil de la Motte.

Ce point d’histoire contemporaine relaté, il y a lieu de féliciter les membres du Comité Paroissial qui se dévouent sans compter pour améliorer notre Eglise, et notamment pour renouveler les sièges, remplacés par de nouveaux sièges très confortables.

Félicitons également la Mairie qui a enjolivé le contour de l’Eglise par un fleurissement très réussi, et la pose de projecteurs qui illuminent superbement le frontispice.

N’oublions pas la pose d’une horloge, très utile, très appréciée par tous les Saillysiens.

Nous avons quitté Sailly en 1990, pour habiter Willems, où nous coulons une paisible retraite. Nous revenons souvent assister aux offices dans l’Eglise de notre ancienne paroisse où tant de souvenirs nous y rattachent, où nous rencontrons nos anciennes connaissances, parents et amis.

Nous nous rendons souvent au cimetière, où reposent nos ancêtres, et tant de gens que nous avons connus et aimés. C’est là que nous reposerons définitivement, quand le moment choisi par Dieu sera venu.

Notre tombe nous attend…

Sailly, avril 1996.